Longtemps je me suis couché de bonne heure, comme sur la plage un visage de sable.
J’aime les premières phrases. Souvent, si ce ne sont pas les meilleures, ce sont, par leur aspect inaugural, les plus réfléchies, léchées. Je suis certain que l’auteur l’a ressassée une infinité de fois cette première phrase. Quand je vais à la FNAC, je folâtre parmi les premières phrases, carnet en main. Remarquez, je pourrais aussi m’intéresser aux dernières, mais souvent ce sont les plus connotées. Elle se veulent accrocheuses et montrent l’intention. Ou bien je vais vous narrer une histoire ; ou bien regardez mon style ; ou bien, je vais vous surprendre ; ou bien encore j’en fais des tonnes léxicolégales pour vous plaire ; ou bien…
Je ne vais pas vous en citer des premières phrases, à vous d’en dénicher dans votre bibliothèque. Ou même sur internet : un site : http://olleduc.hautetfort.com/ propose avec une première phrase de la poursuivre en nouvelle. Exemple : à partir de cette phrase : L’autocar a tourné trois fois sur l’esplanade qui borde le port du canal .
Imaginez un roman qui ne contienne qu’une seule phrase. J’aurais l’air malin avec mon bloc notes et mes idées toutes faites. Ou un roman qui n’aurait pas de première phrase. Elle serait absente, envolée, occultée. Ou pas de phrase du tout. Ou rien, même pas un roman : mais là, je m’égare …Imaginez même que je n’existe pas. Le problème est résolu : plus de texte sous vos yeux, plus de mec qui vous bassine avec ses élucubrations sur les premières phrases de la vie. Mais là, je dévie encore, je déraille comme on dit. Auriez vous imaginé ue vous, vous n’existiez pas ? Non ? Cela ne vous est jamais venu à l’esprit : forcément, terre à terre que vous êtes.
Ah, les digressions. C’est mieux que d’aller à l’essentiel. Le reste du roman est d’ailleurs une grande digression de la première phrase (j’y reviens). Un post scriptum. Prenons une métaphore : celle de la vie. Votre première phrase, qui n’en est pas une, puisqu’elle est dépourvue du langage structuré, est votre prime enfance. Le reste de votre vie, à savoir à partir du premier mot que vous avez prononcé en découle. N’est même peut-être pas nécessaire. Tout est déjà dit en vous. La première phase….Et que, existant, vous faites tout pour essayer de vous ressouvenir. Mais c’est trop tard. La pureté de l’innocence est déjà gachée par tout ce que vous êtes devenu. Cette première phase vous est inaccessible.
La première phrase du texte, pareillement. Perdue sous la loggorhée qui la suit. Le premier arbre de la forêt, oublié, perdu. Catalogué comme faisant partie de la forêt et c’est tout. Alors que, il la cachait si bien, au début.